Le 14 octobre 2024, le tribunal du travail de Liège (Huy) a pris une décision étonnante : une salariée licenciée recevra à la fois une indemnité de licenciement pour licenciement manifestement déraisonnable et une indemnité forfaitaire pour discrimination. C’est exceptionnel car la CCT n° 109 stipule explicitement que ces indemnités ne peuvent être cumulées.
L’affaire
Une assistante administrative a été licenciée après quatre années de service. Au cours de son emploi, elle avait suivi des traitements de fertilité l'ayant amenée à s'absenter régulièrement. Peu après le signalement de problèmes de collaboration avec un supérieur, elle a été licenciée, prétendument pour cause de réorganisation interne. Le jour de son licenciement, une nouvelle offre d’emploi a toutefois été publiée.
Lorsqu'elle a demandé les raisons précises de son licenciement, l'employeur a évoqué une diminution du travail administratif et de prétendues lacunes dans ses compétences. Le syndicat a contesté ces raisons, arguant que le licenciement constituait une forme de discrimination directe fondée sur le sexe.
Le jugement
Le tribunal a estimé qu'il y avait suffisamment d’indices pour faire naître une présomption de discrimination. L’employeur n’est pas parvenu à réfuter cette présomption. En outre, le tribunal a estimé que le licenciement était manifestement déraisonnable en raison du manque de motivation et de l'absence d'avertissements écrits.
La salariée s'est vu accorder une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire pour discrimination ainsi qu’une indemnité égale à neuf semaines de salaire pour licenciement manifestement déraisonnable. Le tribunal a estimé que la nature et la cause de ces indemnités étaient différentes, justifiant le cumul. De plus, le tribunal a déclaré que l’interdiction de cumul dans la CCT n° 109 était contraire aux principes supérieurs d’égalité et de non-discrimination.
Pourquoi est-ce important ?
Bien que le cumul d’indemnités de licenciement ne soit pas neuf, ce jugement est unique car il va à l’encontre d’une lecture littérale de la CCT n° 109. Le tribunal souligne qu’une convention collective de travail ne peut être contraire aux normes légales, telles que la loi anti-discrimination.
Ce jugement rejoint des arrêts antérieurs autorisant le cumul d’indemnités, mais elle souligne surtout la nécessité d'aligner les dispositions des CCT sur les principes juridiques supérieurs.
Bien que l'affaire ne soit pas encore close, ce raisonnement ouvre des pistes importantes pour les futurs débats juridiques sur le droit au cumul. Nous continuerons de suivre attentivement ces évolutions.
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